mardi 24 novembre 2009
L'ironie n'est pas morte
mercredi 23 septembre 2009
Le rapport au réel dans la création contemporaine
LE RAPPORT AU RÉEL DANS LA CRÉATION CONTEMPORAINE
L’adversaire de Emmanuel Carrère a exploré en 2002 la figure du meurtrier ordinaire par le personnage de Jean-Claude Roman. Amélie Nothomb se met en scène depuis plusieurs années dans ses différents romans (qu’on pense à Stupeurs et tremblements, par exemple) et accentue cette mise en scène en plaçant systématiquement une photographie d'elle-même en page couverture. L’œuvre de Sophie Calle est, quant à elle, traversée par un brouillage constant des frontières entre le réel et la fiction, l’intime et le public. Nelly Arcand, Marie-Sissi Labrèche et Mélanie Gélinas ont chacune, à travers des personnages délibérément inspirés de leurs propres expériences, joué sur les frontières de l’autofiction. Si ce phénomène n’est pas nouveau, ce qui intrigue, toutefois, c’est la véhémence avec laquelle le rapport au réel dans les différentes œuvres est questionné. Depuis quelques années, la distinction entre les œuvres de fiction et les œuvres de non-fiction(pour reprendre le terme anglais) se révèle fragile. Une série de scandales impliquant de supposées autobiographies a ainsi secoué le monde littéraire (et médiatique) américain. A Million Little Pieces (James Frey, 2003), Love and Consequences (Margaret Seltzer, 2008), The Angel at the Fence (jamais publié) : chacune de ces autobiographies a été réfutée lorsqu’il fut découvert que les faits y avaient été soit « enjolivés », soit carrément inventés, et leurs auteurs ont été désavoués, pour ne pas dire conspués sur la place publique par des intervenants (pensons à Oprah Winfrey) insultés d’avoir cru en eux. Mais la question se pose : pourquoi, dans un premier temps, revendiquer pour une œuvre de fiction l’authentification de la réalité qui accompagne le terme « autobiographie »? Et pourquoi, dans un second temps, l’aveu d’une fictionnalisation d’événements choque-t-il tant?
Du dévoilement à l’expression, de l’exploitation à la reconstruction, l’écriture contemporaine semble ainsi se jouer des démarcations entre la fiction et la réalité, comme si elle était habitée par une nécessité de redéfinir son rapport au réel et, par le fait même, à la fiction. Est-ce à cause de l’envahissement médiatique qui rend de plus en plus difficile (pour ne pas dire impossible) de faire abstraction du spectacle du réel tel que présenté par les bulletins d’informations tant sur le web que sur les télévisions du monde? Le rapport à la création se retrouve-t-il parasité par les événements lorsque le réel, comme lors des attentats du 11 septembre, semble surpasser la fiction, et que la fiction cherche, de son côté, à prendre en charge le réel? Ou alors éprouvons-nous simplement le besoin, après les explorations formelles du vingtième siècle, de réinscrire le travail de création dans notre monde?
Ce colloque, souhaitant réunir autant des écrivains que des chercheurs en littérature, aura pour objectif de questionner l’inscription du réel dans la fiction contemporaine. Pourquoi le réel exerce-t-il une si grande attraction sur les auteurs actuels? Quel espace reste-t-il pour la fiction lorsque l’écrivain utilise un événement vécu, qu’il soit personnel ou historique, comme base ou trame de son œuvre? Comment les notions de fiction, de narration, de personnages et d’auteurs s’en retrouvent-elles modifiées? En confrontant les travaux des praticiens et des théoriciens, ce colloque tentera non pas de parvenir à une réponse définitive sur les modalités de l’inscription du réel mais plutôt d’arriver à un état de la fiction telle qu’elle se pratique en ce moment, avec tout ce que cet état a d’éphémère.
Les propositions de communication (250-300 mots) devront être soumises à l’adresse dulong.annie@uqam.ca avant le 23 octobre 2009. Veuillez indiquer vos coordonnées (nom, courriel, université d’attache, statut) sur votre proposition. Le colloque sera par la suite proposé aux organisateurs du colloque annuel de l’ACFAS, colloque qui aura lieu du 10 au 14 mai 2010 à l’Université de Montréal.
Comité organisateur :
Denise Brassard
Annie Dulong
vendredi 18 septembre 2009
Derrière les fenêtres
vendredi 10 juillet 2009
La proximité
mardi 9 juin 2009
Le poids de la conscience
Voilà que Bob et sa femme me posent le même problème que les autres personnages. Voilà qu’alors que la nouvelle avançait bien, les personnages se plaçant, le paysage se dessinant, je bloque. Lequel des deux placer dans la tour? Ou plutôt, puisque les deux y travaillaient, quelle décision dois-je prendre sur ce qui leur arrive?
mercredi 3 juin 2009
Danny
vendredi 15 mai 2009
Les images fantômes
Cette phrase de Reeves : "L’espace prend la forme de mon regard".
Depuis mon retour, et cela me semble presque soudain, l’espace new yorkais s’agite devant moi. Soudain, oui, parce que pendant que j’y étais, j’étais absorbée par ce que je voyais, ce que je cherchais. Je voulais trouver les traces des attentats. Je pensais voir, sur les immeubles autour du cratère, cratère qui n’est plus ce qu’il était, qui se tourne maintenant vers la reconstruction, vers l’imagination d’un nouvel espace. Je lis en ce moment A City in the Sky, une histoire du World Trade Center, de sa construction, de sa destruction. Et j’imagine que ce qui se passe, depuis la chute des deux tours, c’est un processus de la même nature que lorsque Rockefeller et quelques autres financiers ont entrepris, avec le Port Authority, de construire un World Trade Center. La paix par le commerce, voulait-on. Bien sûr, le World Trade Center n’a jamais rempli le mandat qu’il s’était fixé, tout simplement parce que, dit-on dans cette très intéressante biographie, il n’y avait pas assez d’importateurs et d’exportateurs de biens pour occuper ce grand complexe. Le mandat s’est déplacé, en même temps, peut-être, que nous passions d’une économie de biens à une économie de services. World Trade Center, au fond, ce n’est qu’une autre façon de parler du transfert d’argent d’une main à une autre.
Après la chute des tours, le jour même semble-t-il, le débat pour la reconstruction était lancé. Pourtant, 8 ans plus tard, en dehors de la reconstruction de l’immeuble 7, que s’est-il passé sur le site ? Et ce 7, il est en retrait. Et il n’appartient pas au même mouvement.
Bref. Je m’égare.
Depuis mon retour, donc, je vois New York, je l’entends. Et alors qu’avant, je ne parvenais pas à interpréter les images de destruction sur lesquelles je me penchais pourtant depuis des mois, à aller au-delà d’une compréhension abstraite, voici que maintenant, lorsque je vois le pont piétonnier nord aux vitres soufflées, je le reconnais. Le World Financial Tower. Le Winter Garden. Le Banker’s Trust. Les proportions, je crois, commencent à faire sens.
Peut-être n’est-il donc pas si étonnant que depuis mon retour, je regimbe à retrouver les nouvelles. Comme cette chose, lancée ici, avec des numéros, que je ne me résous pas à continuer. Je la sens bien présente, je devine qu’elle détient quelque chose de la structure du recueil. Mais voilà : elle devra dire quelque chose, placer mes personnages dans cet espace, dans ce temps, dans cette destruction. Et je ne suis pas prête. Pas encore. Je veux les laisser absorber la fraicheur de la pierre dans leurs dos, lorsqu’ils s’enlacent avant le travail. Observer la statue de la liberté, écouter les bruits du ressac dans Battery Park.
Juste un peu.
samedi 4 avril 2009
New York imaginaire (29 mars)
Lorsque je ferme les yeux et tente de voir New York, je suis quelque part sur Madison, et j’ai devant moi les immeubles de pierres brunes. La rue est tranquille, quelques piétons çà et là, mais on entend l’agitation de la ville, pas si loin. Une sirène se fait entendre, mais personne ne lève vraiment la tête pour savoir d’où elle vient. Elle fait partie du paysage.
Lorsque je ferme les yeux et m’imagine New York, je vois le nuage de poussière envahir les rues, et les visages blanchis s’arrêter, à bout de souffle. J’entends le silence qui recouvre le bas Manhattan, et il me semble que plus jamais nous n’entendrons les bruits courants de la vie, les cris et les sirènes, les appels et les rires.
New York, depuis le 11 septembre, existe dans mon esprit quelque part entre ces deux souvenirs qui n’en sont pas. Je n’ai jamais vu New York autrement que par le biais des romans, films et séries télévisées. Le corps blotti dans le siège bleu de l’avion, j’imagine ce que je trouverai à mon arrivée dans cette ville que je n’ai cessé d’imaginer depuis toutes ces années. Je m’approche d’elle par des détours, par une autre ville américaine, comme si je n’avais pas voulu entrer directement aux États-Unis par New York. Comme s’il m’avait d’abord fallu prendre le temps d’apprivoiser la proximité d’un lieu qui m’habite depuis un matin de septembre.