dimanche 1 février 2009

Les hasards

À ce moment, la plupart pensent encore qu'il s'agit d'un accident. De nombreux témoignages attestent que la majorité d'entre eux [les gens pris dans les étages au-dessus du point d'impact, dans la tour nord] a survécu jusqu'à l'effondrement de l'immeuble à 10 h 28. Ils ont souffert 102 minutes — la durée moyenne d'un film hollywoodien. (Philippe Beigbeder, Windows on the World)

Cette idée n'est pas neuve, elle a surgi du désordre qui a suivi les attentats, dans les quelques minutes suivant la fin. Elle n'est pas neuve, et Beigbeder ne peut certes pas la revendiquer comme sienne. Mais elle témoigne tout de même d'une chose: ce qui hante les consciences, ce sont les hasards du 11 septembre 2001. Un ciel bleu, limpide, comme toile de fond à la destruction. 102 minutes, très exactement, entre le premier avion et le deuxième effondrement, 102 minutes pendant lesquelles, sous un soleil qui n'a même pas eu la décence de se cacher derrière un petit voile nuageux, les Américains ont eu les yeux tournés vers le haut.
Peut-être est-il inévitable de se demander ce qu'il se serait passé n'eût été un hasard météorologique, et une réaction physique du métal que les terroristes eux-mêmes n'avaient ni prévue, ni même espérée. Et que veut dire cette perfection apparente d'un ciel limpide et de la réalité rejoignant la fiction (elle ne l'a pas vraiment dépassée, mais l'a peut-être rendue obsolète, du moins pour un temps) dans ses codes et ses modes de fonctionnement.

Est-il étonnant, dès lors, que les gens aient voulu croire à un coup monté par une instance supérieure, qu'il s'agit d'une intervention divine (ou diabolique), ou de Big Brother, l'oncle Sam, la CIA, le FBI, etc.?  Les hasards, aussi cruels et inexplicables soient-ils, ne sont-ils pas la preuve qu'attendent, que recherchent les théories du complot, pour nous prouver qu'il n'y a pas, justement, de hasard? Et n'est-il pas plus simple, voire plus rassurant, de pouvoir pointer du doigt le coupable, de pouvoir dire, haut, très haut, pour cacher l'angoisse, l'anxiété, la panique, voilà, c'est lui, ce sont eux, cela ne peut être qu'eux, parce qu'ils ont un autre plan que simplement nous détruire?