mercredi 23 septembre 2009

Le rapport au réel dans la création contemporaine

En attendant de trouver les réponses à mes questions et de refaire le chemin jusqu'à mes personnages, je lance ce colloque:


LE RAPPORT AU RÉEL DANS LA CRÉATION CONTEMPORAINE

L’adversaire de Emmanuel Carrère a exploré en 2002 la figure du meurtrier ordinaire par le personnage de Jean-Claude Roman. Amélie Nothomb se met en scène depuis plusieurs années dans ses différents romans (qu’on pense à Stupeurs et tremblements, par exemple) et accentue cette mise en scène en plaçant systématiquement une photographie d'elle-même en page couverture. L’œuvre de Sophie Calle est, quant à elle, traversée par un brouillage constant des frontières entre le réel et la fiction, l’intime et le public. Nelly Arcand, Marie-Sissi Labrèche et Mélanie Gélinas ont chacune, à travers des personnages délibérément inspirés de leurs propres expériences, joué sur les frontières de l’autofiction. Si ce phénomène n’est pas nouveau, ce qui intrigue, toutefois, c’est la véhémence avec laquelle le rapport au réel dans les différentes œuvres est questionné. Depuis quelques années, la distinction entre les œuvres de fiction et les œuvres de non-fiction(pour reprendre le terme anglais) se révèle fragile. Une série de scandales impliquant de supposées autobiographies a ainsi secoué le monde littéraire (et médiatique) américain. A Million Little Pieces (James Frey, 2003), Love and Consequences (Margaret Seltzer, 2008), The Angel at the Fence (jamais publié) : chacune de ces autobiographies a été réfutée lorsqu’il fut découvert que les faits y avaient été soit « enjolivés », soit carrément inventés, et leurs auteurs ont été désavoués, pour ne pas dire conspués sur la place publique par des intervenants (pensons à Oprah Winfrey) insultés d’avoir cru en eux. Mais la question se pose : pourquoi, dans un premier temps, revendiquer pour une œuvre de fiction l’authentification de la réalité qui accompagne le terme « autobiographie »? Et pourquoi, dans un second temps, l’aveu d’une fictionnalisation d’événements choque-t-il tant?

Du dévoilement à l’expression, de l’exploitation à la reconstruction, l’écriture contemporaine semble ainsi se jouer des démarcations entre la fiction et la réalité, comme si elle était habitée par une nécessité de redéfinir son rapport au réel et, par le fait même, à la fiction. Est-ce à cause de l’envahissement médiatique qui rend de plus en plus difficile (pour ne pas dire impossible) de faire abstraction du spectacle du réel tel que présenté par les bulletins d’informations tant sur le web que sur les télévisions du monde? Le rapport à la création se retrouve-t-il parasité par les événements lorsque le réel, comme lors des attentats du 11 septembre, semble surpasser la fiction, et que la fiction cherche, de son côté, à prendre en charge le réel? Ou alors éprouvons-nous simplement le besoin, après les explorations formelles du vingtième siècle, de réinscrire le travail de création dans notre monde?

Ce colloque, souhaitant réunir autant des écrivains que des chercheurs en littérature, aura pour objectif de questionner l’inscription du réel dans la fiction contemporaine. Pourquoi le réel exerce-t-il une si grande attraction sur les auteurs actuels? Quel espace reste-t-il pour la fiction lorsque l’écrivain utilise un événement vécu, qu’il soit personnel ou historique, comme base ou trame de son œuvre? Comment les notions de fiction, de narration, de personnages et d’auteurs s’en retrouvent-elles modifiées? En confrontant les travaux des praticiens et des théoriciens, ce colloque tentera non pas de parvenir à une réponse définitive sur les modalités de l’inscription du réel mais plutôt d’arriver à un état de la fiction telle qu’elle se pratique en ce moment, avec tout ce que cet état a d’éphémère.

Les propositions de communication (250-300 mots) devront être soumises à l’adresse dulong.annie@uqam.ca avant le 23 octobre 2009. Veuillez indiquer vos coordonnées (nom, courriel, université d’attache, statut) sur votre proposition. Le colloque sera par la suite proposé aux organisateurs du colloque annuel de l’ACFAS, colloque qui aura lieu du 10 au 14 mai 2010 à l’Université de Montréal.

Comité organisateur :

Denise Brassard

Annie Dulong

vendredi 18 septembre 2009

Derrière les fenêtres

Est-ce un aveu, un acte de contrition, une boutade? Je me suis égarée. À trop vouloir préserver mes personnages de l'événement, j'ai oublié de l'écrire. J'ai accroché mes personnages au mur, dans l'espoir d'y voir plus clair. Ce n'est pas une mauvaise idée. Mais j'ai de plus en plus l'impression que ce qu'il me faudrait, c'est une tour, dans laquelle je mettrai mes personnages. Des fenêtres derrière lesquelles je pourrai tracer mes histoires, comme dans le Montreal Hypertext Hotel.
Reste que, malgré toutes les variantes possibles, mes personnages sont limités: ils sont soit au-dessus du point d'impact, soit en dessous. Soit dans la tour nord, soit dans la tour sud. Ils hésitent ou ils foncent. Ils peuvent s'en sortir, ou alors sont condamnés d'avance. Voilà pourquoi je me suis mise à tourner autour: m'en tenir à cette journée, à ces 102 minutes, m'a semblé soudainement trop difficile. Mais j'y reviens. Parce que c'est ainsi que je veux les écrire, eux, qui m'accompagnent depuis plusieurs mois. Peter, Éva, Bob, Maureen, Tilda, Donald. Au présent. Leur présent.