Il y a 13 jours, sa valise et son portable à la main, Mary lui dit qu'elle l'appellerait dans deux semaines. Peut-être. Qu'il pouvait lui écrire, s'il le désirait, s'il avait quelque chose à dire, mais que pour l'instant, elle ne pouvait supporter le son de sa voix. Tu dois réfléchir. Pense à ce que tu veux. Sa voix, retenue, parce qu'elle allait crier si elle ne faisait pas attention et qu'elle s'était promis, pendant qu'elle entassait quelques vêtements dans une valise, qu'elle ne crierait pas. En silence, il avait admiré sa détermination. Il ferait un effort pour prendre le temps de mettre ses pendules à l'heure, elle n'avait pas tort. En six ans de vie commune, il n'avait accepté aucune autre évolution que la location de l'appartement. Elle voulait des enfants, peut-être acheter un appartement en ville, ou louer une maison dans les Hamptons. Mais lui, il était parfaitement satisfait comme ça, lui avait-il dit, satisfait de leur vie. Pourquoi tout gâcher en voulant aller plus loin plus vite. Parce que, bordel, parce qu'on ne peux pas rester immobiles toute notre vie!
Si Mark sourit, ce matin de semaine, ce n'est pas parce qu'il ne peut comprendre ce que Mary veut, les raisons de son éclat, cet ultimatum déguisé en fugue. Il sait qu'elle n'a pas tort, qu'il n'a plus 20 ans. Un appartement, un enfant, ce n'est pas si difficile, quand on y pense. Et Mary... eh bien, pourquoi pas avec elle? Il ne s'imagine pas vraiment avec une autre, mais peut-être n'est-ce que paresse, pense-t-il en saluant le portier. Non, il ne sourit pas par méchanceté, mais bien parce qu'il se rend compte que son sursis achève. Que depuis 13 jours, sa vie est en suspens, et qu'il ne peut plus, maintenant, éviter l'échéance. Mary n'est pas du genre à hésiter longtemps. Elle a été plutôt patiente depuis six ans, mais ne le demeurera pas éternellement.
Ça sent la soupe chaude, murmure-t-il en passant le guichet du métro.